La jungle de l’entreprise

Publié le 24 mai 2012 par fauteuil-d-orchestre

Légende

Coincés dans une rame de métro, cinq hommes et femmes vivent les premières agressions de la journée. La scène, muette, dit la banalité d’une promiscuité imposée. Les corps se défendent tandis que les voix intérieures disent
les préoccupations personnelles. Arrivés dans l’enceinte de l’entreprise, une autre jungle les attend. Les scènes sonnent le vécu des relations de travail, des prises de fonction d’une nouvelle hôtesse au « pot »
traditionnel, au contrôle comptable des notes de frais, Léonore Confino connait visiblement son sujet. Entre un discours du PDG aux actionnaires à un autre discours, elle passe en revue les moments incontournables de la vie d’une grande entreprise, du sadisme des supérieurs à la lâcheté des collègues, de l’hypocrisie des chefs à la douleur des employés à l’heure de la restructuration. Le règne du cynisme est total. Si certaines situations
semblent exagérées, cela n’est dû qu’au raccourci imposé par l’écriture. Le décor, fonctionnel comme l’espace qu’il décrit, est composé de différents éléments sortis d’un puzzle vertical. La mise en scène de Catherine Schaub est parfaitement réglée, comme l’interprétation, troublée à intervalles réguliers par l’écrasement brutal d’un pigeon sur la vitre du building, métaphore de l’écrasement du « cheptel » humain.

______________________________________________________________________
<><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><>

 

Building

________________________________________________________________________
<><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><>

Building

Comédie de Léonore Confino, mise en scène Catherine Schaub, avec Bruno Cadillon, Léonore Confino, Olivier Faliez, Yann de Monterno et Miren Pradier.

"Building" né, comme le confie avec humour son auteur, du mal de pied inhérent à la station debout prolongée de l'hôtesse d'accueil qu'elle fut au Palais des Congrès, explore l'univers impitoyable du monde du travail.

Un univers devenu par ailleurs hautement pathogène avec le remplacement du patron bourgeois par la société capitaliste et l'émergence des techniques contemporaines de management élaborées pour satisfaire les nouveaux patrons du 20ème siècle que sont les associés-investisseurs, dont la seule finalité est le rendement financier par la distribution toujours croissante de dividendes.

Léonore Confino a écrit une roborative et pertinente tragi-comédie, aussi drôle que caustique autour du déroulement chronologique d'une journée de travail au sein d'une société prestataire de services qui a pour vocation, dans le secteur fumeux des services aux professionnels, de "conseiller les conseillers" et du vécu in situ d'une trentaine de personnages.

Structurée sous forme de tableaux comme une sketch comedy, elle est composée de dramuscules qui abordent, du jargon managérial à la souffrance au travail, tous les dysfonctionnements et dérives qui, loin de faire du travail un lieu de réalisation, voir d'épanouissement, professionnel en font un lieu d'enfermement névrotique, au travers du vécu d'une trentaine de personnages.

L'originalité de son opus tient à ce qu'il ne se cantonne pas à une une efficace satire, la réalité en ce domaine dépassant toujours la fiction, mais pousse le réalisme vers l'absurde et l'absurde vers une forme de folie ambiante qui peut faire imploser l'édifice, métaphore de l’organigramme pyramidal de la société et de la déshumanisation progressive.

Avec le décor judicieux et malin de Sophie Jacob, un mur alvéolaire qui permet de moduler les différents espaces de travail, Catherine Schaub, signe, outre une parfaite direction d'acteur, une mise en scène particulièrement roborative et jubilatoire reposant sur une hybridation réussie des genres et des registres pour ne verser ni dans l'illustration documentaire ni dans le naturalisme militant.

Scandées par l'écrasement en plein vol sur les façades vitrées du building des pigeons abusés par le reflet mortel du ciel, belle métaphore des mirages de l'homme au travail et de quelques brefs intermèdes dansés et chantés, les scènes s'enchaînent à un rythme soutenu avec une dynamique qui va crescendo, du parking à la salle de réception pour cocktail de clôture des comptes, jusqu'à l'emballement final de la machine.

Sur scène cinq officiants réussissent la performance d'incarner tous les personnages, dont certains récurrents, sans jouer les fregoli, un simple détail vestimentaire faisant office de pictogramme signifiant, pris dans une infernale spirale destructrice;

Avec une distribution de comédiens aguerris, Bruno Cadillon (épatant notamment dans les édifiants rapports du PDG à l'assemblée générale des actionnaires qui servent de prologue et d'épilogue au spectacle), Olivier Faliez, Yann de Monterno, Miren Pradier et Léonore Confino elle-même, qui excellent dans le jeu loufoque et peuvent partir en vrille au quart de tour, Catherine Schaub propose donc avec la Compagnie Les productions du sillon, naviguant de manière heureuse dans tous les registres du comique au pathétique, un excellent spectacle de théâtre vivant qui montre et interroge le société contemporaine.

MM

_______________________________________________________________________
<><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><>

Building

Building

______________________________________________________________________
<><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><><>

 

Building

Building

Nous sommes chez Consulting Conseils, une entreprise qui a pour absurde mission de coacher les coachs, de conseiller les conseillers. Suivant la chronologie d'une journée de travail, hôtesses, comptables, cadres, chargés de communication s'agitent, déjeunent, prospectent, brainstorment....tout est gris, déshumanisé

L'auteur, qui joue également dans la pièce, a connu le monde de l'entreprise. C'est sans doute ce qui donne tant d'authenticité à ce spectacle (j'y ai moi-même reconnu certaines situations que j'avais vécues et je suis sûre que bien des spectateurs feront la même constatation). Symbolisant la résignation de l'être humain à accepter des situations inacceptables, on assiste à la mort de pigeons imaginaires venus s'écraser contre les vitres de l'immeuble. Néanmoins, rien de dramatique dans cette pièce. Bien au contraire, on rit beaucoup. La mise en scène est efficace et tourbillonnante. Pas un instant, on ne s'ennuie face à ces comédiens énergiques et talentueux (ils endossent plusieurs personnages successifs avec brio et créativité.) Merci à eux d'avoir su transformer une réalité si peu gaie en un vrai moment de détente. Courez-y, vous le ne regretterez pas.

Claudine Levanneur

 

 

des fraises et de la tendresse

samedi 26 mai 2012

Des pigeons et des hommes


Comment, aujourd'hui, supporter un travail qui exige que l'on laisse au vestiaire l'humain ? L'affect, l'intime, le  moi, sont de vaines choses qu'on doit au mieux taire, sinon nier. Au travail. Les drames qui ont émaillé l'actualité ces dernières années donnent un piètre constat du monde du travail tel qu'il va, des méthodes managériales qui ne broient pas seulement du papier. La femme, l'homme, sont tour à tour des boîtes de conserve, des pantins, des kleenex essuyant le succès, les marges brutes d'autofinancement, la crise. L'humain, quantité négligeable.

Comment supporter sinon par le rire ? Se moquer des travers, des absurdités, des monstres à plusieurs têtes qu'enfante dieu Efficacité, nourri par nos ambitions, nos craintes muées en peurs, nos besoins de consommer. Se moquer. Et réfléchir, peut-être.

Le rire. Et le théâtre.
L'ironie mordante de l'auteure de théâtre Léonore Confino. La mise en scène efficace de Catherine Schaub. Au Théâtre Mouffetard, à Paris. C'est Building. Un building aussi gris qu'impersonnel. Un décor carré, mouvant, cadre parfait pour la comédie performante Building. Où se débattent les employés de Consulting Conseil, entreprise qui conseille les conseillers.

Cinq comédiens incarnent hôtesses potiches, comptables tiraillées entre l'empathie et la rancœur, cadres brainstormant ou jouant un simili-paintball aussi musclé que jubilatoire, agents d'entretien priés de tenir le rythme, président empathique ou paumé tel l'enfant qu'il fut autrefois. 30 personnages qui se croisent, se frottent aux absurdités de leur tâche, s'insultent ou se confient, imperceptiblement. A travers une faille où perce le rêve d'un autre travail, d'une autre vie. Au rythme des pigeons qui s'écrasent sur leurs baies vitrées.

Une journée de boulot somme toute banale. Millimétrée. Qui déraille.

C'est drôle, c'est brutal.

Notez le nom de Léonore Confino. J'ai eu la chance de lire une autre de ses pièces, bientôt produite, j'en mets ma main à couper, dans un grand et prestigieux théâtre parisien. Puis en province, évidemment. Où a été créé Building. A Poissy. Une auteure à qui je prédis de belles affiches. Tant son écriture est moderne, pétulante, inventive, singulière. Et tellement drôle.

Courez-voir Building au Théâtre Mouffetard. Ça se joue jusqu'au 30 juin, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h (relâches 27 mai et 29 juin).

Laurent Delpit

 

Représentation du 03/03/2012 à Villefranche de Rouergue

Building

 

Représentation du 21/02/2012 à Orléans

Building


 

Critique BuilingReprésentation du 16/02/2012 Biarritz

Building

 

Le PROGRÈS 11/01/2012

Critiques Building

Critiques Building

JE SUIS LE PÈRE DE TOUT LE MONDE :

 

Critiques JSLP

Figaroscope

Critiques JSLP

 

Corse Matin

Critiques JSLP


 

Dossier "Seul en Scène" Figaroscope

Critiques JSLP

 

 

Avantages

Critiques JSLP

YOUHUMOUR.COM :

Michel Scotto di Carlo dans « Je suis le père de tout le monde »

Le personnage que nous avons devant nous aime les femmes… et les enfants et son credo c’est « emmerder la mort en mettant de la vie partout ». Aussi, attend-il  son 8ème enfant… avec sa cinquième femme, parmi lesquelles une Corse, une Italienne et une Grecque !  Sa vie se résume en petits drames et grandes joies au quotidien car, comme c’est un père « responsable », il a ses enfants avec lui soit une semaine sur deux, soit un week-end sur deux. Autant dire que tout cela demande une sacrée dose d’organisation ! Et côté éducation, il en connaît un rayon, notamment sur l’obligation de négociation… avec les mères comme avec les enfants. Du départ à l’école aux angoisses nocturnes, en passant par une inénarrable partie de Jeu des 7 familles, il nous raconte sa vie d’expert en familles recomposées jusqu’à son cauchemar qui se transforme en exploit final : emmener tout le monde, y compris les nouveaux hommes de ses ex-femmes à Noël, chez sa mère, en Corse !  Bien sûr, Michel Scotto di Carlo a sacrément exagéré la situation mais malgré cela il reste toujours dans le vrai et chacun, chacune d’entre nous qui n’avons pas su former qu’un seul couple dans notre vie retrouvera des moments vraiment vécus, parfois difficilement. La grosse différence ici, c’est que la joie de vivre est omniprésente et tous ses petits tracas sont prétextes à rire… ce que nous faisons avec force plus d’une heure durant. Comme le père qu’il incarne, le comédien ne se ménage pas. Dans une mise en scène exigeante et pleine de très belles images, il joue, chante et danse, souffre et jubile, parfois pète les plombs, ce sans jamais se permettre une once de méchanceté ni de vulgarité, avec au contraire une belle générosité et une très jolie poésie. Un régal !

Caroline Fabre